LE SECTEUR MUSICAL EN CRISE
Quelques chiffres sont révélateurs de l’ampleur du problème : en 2006, 1 milliard de fichiers ont été piratés sur Internet en France ; et l’industrie musicale a enregistré une baisse de 50% de sa production en 5 ans.
Ce qui entraîne une baisse des emplois dans le domaine culturel, et un frein à la découverte ainsi qu’ à la signature de nouveaux artistes. Le téléchargement illégal est donc gravement préjudiciable aux acteurs de l’industrie musicale.
L’ALTERNATIVE DE L’OFFRE LEGALE
La seule alternative à ce piratage de masse semble être l’offre légale sur internet. Mais celle-ci demeure nettement minoritaire : seuls 15% des fichiers téléchargés en France en 2007 l’étaient légalement, et ce malgré le développement de nombreuses plateformes consacrées à ce type d’offre (Virginmega ou fnacmusic). Toutefois, La culture du « tout gratuit », très répandu sur le net constitue un sérieux frein à l’expansion de cette offre.
C’est à cette culture que s’attaque la loi de « création et internet » dite “HADOPI”, projet de loi adopté le 30 octobre 2008 au Sénat, et actuellement débattu à l’Assemblée. Cette loi est la concrétisation d’un rapport commandé à Denis Olivennes, ancien président de la FNAC, pour trouver un consensus entre tous les acteurs du secteur culturel, et envisager des solutions face au phénomène grandissant des téléchargements illégaux sur la toile.
UNE LOI POUR DISSUADER
En cas de flag de téléchargement illégal, la loi de « création et internet » prévoit un mécanisme de réponse graduée, consistant à notifier des avertissement aux pirates agissant sur des réseaux Peer to Peer. Deux recommandations (par courrier électronique puis par lettre recommandé avec accusé de réception) seraient ainsi préalables aux sanctions. Ces dernières consistent à suspendre l’abonnement du pirate entre 3 mois et 1 an.
Une instance administrative indépendante, l’Hadopi ou “Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet”, aurait pour rôle de surveiller les droits d’auteur sur Internet, notamment sur les réseaux P2P.Elle remplacerait l’Autorité de Régulation des Mesures Techniques (ARMT) créée par la Loi DADVSI de 2006. Cette Haute autorité indépendante aurait plusieurs missions. Elle serait en charge du suivi de l’interopérabilité des dispositifs de DRM (Digital Rigts Management), de l’élaboration d’études sur la question des droits d’auteur ( offre légale , liens piratage , vente en ligne, etc.) et de la surveillance des droits d’auteurs sur Internet. L’HADOPI est composée pour partie de magistrats et d’agents publics qui seront saisis par les ayants droit qui constatent des téléchargements illégaux les concernant sur le réseau.
EFFICACITE DE LA FUTURE LOI ?
Ce projet de loi actuellement en discussion, comporte des points positifs mais aussi des faiblesses. Voila ce qu’il en ressort, à travers les observations de spécialistes du droit d’auteur sur internet tel que Christophe Caron, intervenant notamment au sein de l’AFPIDA (branche française de l’ALALI relative à la protection du droit d’auteur international).
Points positifs :
-Légitimité de cette loi qui s’appuie sur un dispositif visant à lutter contre le pillage des oeuvres sur internet et encadré par une autorité sérieuse.
– Cette loi était indispensable au regard de la menace pour les ayants droits et les industries culturelles qui souffrent depuis plusieurs années de rémunérations de plus en plus faibles, affaiblissant sur le long terme la création.
-Ce texte de loi se veut peu sanctionnateur. Il privilégie en effet la transaction entre l’HADOPI et les “pirates”. Aucune amende n’a été prévu. La coupure de l’abonnement internet reste le seul élément sanctionnateur.
-La pédagogie. C’est l’élément fort de cette loi qui privilégie “la peur du gendarme” et qui s’adresse surtout aux internautes moyens téléchargeant de temps en temps des oeuvres en toute illégalité sur les réseaux P2P (donc à la majorité des internautes). Force est de constater que les gros pirates téléchargeant massivement mais constituant une minorité sur la toile, échapperont par de nouveaux moyens techniques (P2P crypté par exemple) à ces sanctions.
– La grande souplesse de cette loi est à souligner dans la mesure ou elle permet par exemple de moduler les offres “triple play” proposées par de nombreux opérateurs : accès internet hat débit + téléphonie fixe + TV par ADSL ou cable. En cas de sanction, seul l’accès à internet sera coupé.
– Cette loi devrait permettre, en sanctionnant les pirates, de développer l’offre légale, seule alternative crédible à l’heure actuelle pour renforcer les droits des créateurs, des industries culturelles et favoriser la création.
-Les données personnelles collectés chez les pirates feront l’objet d’un fichier surveillé par la CNIL. En théorie, ces données ne pourront être conservées que jusqu’à la fin de l’exécution des sanctions
-La crédibilité de l’HADOPI, autorité administrative indépendante, composé de personnes qualifiés et compétentes dans la protection des droits d’auteur .
– La grande souplesse de cette loi est à souligner dans la mesure ou elle permet par exemple de moduler les offres “triple play” proposées par de nombreux opérateurs : accès internet hat débit + téléphonie fixe + TV par ADSL ou cable. En cas de sanction, seul l’accès à internet sera coupé.
Points négatifs :
-Ce projet de loi propose un système assez complexe consistant à gérer de nombreux avertissements et d’envois de LRAR aux pirates. Sans parler des coûts en cas de recours, notamment par des associations de consommateurs.
– Ce projet est confronté à l’évolution de technologies de plus en plus rapide. Si elle est votée, la loi risque d’être dépassée par de nouveaux moyens de télécharger illégalement des oeuvres, notamment à travers l’émergence de réseaux P2P cryptés.
-Ce projet de loi a le défaut d’être trop “franco-français” au regard de l’environnement européen dans lequel nous vivons. Il est probable que les institutions communautaires nous sanctionnent en proposant de nouvelles solutions différentes. La loi devra alors être abandonnée.
-Si le projet de loi a pour obectif de lutter contre le pirate, en revanche c’est une défaite dans la luttre contre la contrefaçon. Ce n’est pas en effet le contrefacteur qui est sanctionné (la personne qui contourne les mesures de protection d’une oeuvre pour la mettre sur un réseau P2P) mais plutôt l’utilisateur lambda qui télécharge de temps en temps des oeuvres.
– Ce projet de loi aurait pu mettre les FAI (fournisseurs d’accès à internet) en première ligne. Ces derniers, après avoir profité pendant des années de centaines de milliers d’abonnements, offrant ainsi la possibilité de télécharger “illégalement” et favorisant une forme de “culture de la gratuité”, n’ont jamais été sanctionnés. Ils ne sont pas sanctionnés s’ils n’avertissent pas les utilisateurs de l’effet dévastateur sur la culture du piratage. Ils jouissent d’un régime d’irresponsabilité en la matière (Article 6 de la LCEN du 21/06/04).
– Il reste la possibilité pour certains “hackers” de profiter de la connexion wifi de certains internautes moyens pour télécharger illégament des oeuvres protégés. Dans ce cas, ce sont les internautes innocents qui se retrouveraient accusés car c’est leur adresse IP qui sera collecté par l’HADOPI en cas de téléchargements illégaux. Une grande responsabilité pèsera ainsi sur les internautes sensés surveiller l’accès à leur connexion internet en la protégeant par un mot de passe.
SOURCES :
– http://e-canardier.over-blog.com/
-http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_Hadopi
– Intervention du professeur Alexandra Bensamoun, membre de l’AFPIDA et responsable du CERDI à l’université Paris XI, au cours de ses cours en droit de la PLA (2008/2009)