Cassation : pas d’exonération de responsabilité pour les hébergeurs

Pour la première fois, la Cour de cassation propose une application et une interprétation aménagées du régime de la responsabilité des prestataires techniques de l’Internet, en particuliers les hébergeurs.

Dans un arrêt du 21 octobre 2008, la Cour de cassation confirme la décision de la Cour d’appel de Paris du 7 mars 2007 qui avait écarté l’application du régime d’exonération de responsabilité pour les hébergeurs. Les juges avaient alors considéré que « les principes de loyauté et de libre concurrence, attachés à l’exercice de toutes activités commerciales, imposent à une entreprise intervenant sur le marché de s’assurer que son activité ne génère pas d’actes illicites au préjudice de tout autre opérateur économique ».

Le régime de la responsabilité des prestataires techniques est précisé par la Loi pour la confiance en l’économie numérique (LCEN) du 21 juin 2004, à son article 6.I.2 :

“Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible.”

Dans son interprétation, ce texte reste très flou. Tantôt les juridictions du premier degré considèrent responsables les prestataires techniques alors que dans d’autres circonstances elles les exonèrent de ces charges. Ces décisions contradictoires entraînent un flou juridique, souvent contradictoire, tant au niveau national qu’européen.

Le contentieux porté devant la Cour de cassation opposait le Méridien au site de vente aux enchères sedo.fr. Le site revendiquait, en première instance, l’application à son profit de l’article 6.I.2 de la LCEN alors que les juges suprêmes confirment les juges du fond en écartant l’application du régime de l’hébergeur à Sedo.

Selon Sedo, la Cour d’appel avait privé sa décision de base légale car elle l’avait jugé responsable de la mise aux enchères d’un nom de domaine contrefaisant la marque Méridien “sans rechercher si les noms de domaine litigieux s’appliquaient à une activité concurrente de celle de la société des Hôtels Méridien et s’il en résultait un risque de confusion”.

La Cour de cassation a répondu que la Cour d’appel n’était pas tenue de procéder à de telles recherches et rejette le pourvoi de Sedo, rendant le jugement de la Cour d’appel définitif.

“Mais attendu, en premier lieu, qu’en retenant, par motifs propres et adoptés, que la société Sedo éditait un site internet consacré aux noms de domaine qu’elle proposait à la vente, qu’elle offrait une expertise destinée à aider à la fixation de la valeur, charge de commission en cas de vente, et qu’elle exploitait commercialement le site www.sedo.fr, la cour d’appel, qui s’est livrée aux recherches prétendument omises, et qui n’était pas tenue de procéder à celle, inopérante, visée à la dernière branche du moyen, a justifié sa décision d’écarter l’application à cette société du régime de responsabilité réservé aux intervenants techniques sur interne.”

Le juge procède ainsi à une analyse de l’activité de Sedo avec de déterminer sa responsabilité, dans le cadre de l’article 6.I.2 de la LCEN. Le site joue plusieurs rôles :

  • édition en ligne d’un site proposant la vente de noms de domaine;
  • offre d’expertise pour fixer les prix;
  • perception d’une commission sur les ventes;
  • exploitation commerciale du site.

Sur cette base, les juges écartent le domaine de responsabilité des “intervenants techniques sur l’Internet“. Ainsi, la responsabilité de l’hébergeur est écartée dès lors que le site n’a pas une pûre activité technique.

Sûrement est-ce la nature de l’activité de Sedo (médiation rémunérée pour la vente d’un nom de domaine) qui a été décisif dans la décision de la Cour de cassation et non pas seulement la nature d’une activité autre que technique.