Une société chinoise de jeux en ligne s’est vue condamnée par la victime d’une subtilisation d’attributs spécifiques à son avatar, lors d’une session de jeu, en raison de failles de sécurité sur les serveurs de la société en question.
Une société chinoise de jeux en ligne s’est vue condamnée par la victime d’une subtilisation d’attributs spécifiques à son avatar, lors d’une session de jeu, en raison de failles de sécurité sur les serveurs de la société en question.
[Faits : Li Hongchen, 24 ans, avait été victime en février 2003 d’un vol d’armes biochimiques virtuelles au sein du jeu en ligne « Hongyue » (Lune Rouge). S’estimant lésé, il a alors demandé à la société Beijing Artic Ice Technology Development, le fournisseur du très populaire jeu en ligne, d’engager des recherches afin d’identifier l’auteur de cette indélicatesse. La société comme la police n’ayant pas accueilli favorablement sa demande, le joueur a décidé de saisir les tribunaux, requérant la somme de 10.000 yuans (170 euros) à titre de dédommagement pour le préjudice subi en raison du temps passé à jouer et de l’argent dépensé concomitament.]
Le préjuduce pécunier certain de la victime est légitime au regard de l’acquisition perpétuelle d’armes virtuelles qui aurait nécessité deux années de jeu assidu et aurait donc coûté 10.000 yuans (environ 170 euros) entre les frais d’abonnement et de télécommunications pour pouvoir jouer pendant des heures en continu et ainsi progresser dans ce type de jeux qui supposent l’obtention de divers biens virtuels.
La société a opposé deux arguments : – le secret de la vie privée de ses clients à la communication de leur identité – absence de vol en raison du défaut de valeur fongible d’armes virtuelles
Le juge chinois, saisi de cette espèce le 18 décembre 2003, a reconnu la responsabilité de la société en raison de l’existence de failles de sécurité au niveau de ses serveurs ayant permis le piratage. Les juges ont donc ordonné la restauration des éléments de jeux perdus.
La juridiction a appliqué les règles de la responsabilité contractuelle d’un prestataire de services. Cela se jsutifie ici par la valeur marchande des biens virtuels dans le monde réel : ex, les ventes d’articles virtuels, issus principalement du monde du jeu vidéo (stock d’argent virtuel, armes virtuelles, bonus permettant d’accéder plus rapidement au niveau supérieur, login et password correspondant à un personnage haut niveau dans un jeu à monde persistant’), sur des sites spécialisés. En outre, la faute de la société ès prestataire de services réside dans sa négligence concernant la sécurité de ses réseaux informatiques.
Le régime français de l’infraction pénale de vol serait applicable à une telle espèce : – incrimination textuelle : art. 311-1 du code pénal – caractérisation d’une infraction : le vol du bien virtuel – élément moral infractionnel : hacking volontaire du serveur informatique de la société
Néanmoins, cette affirmation se voit tempérée par un principe général du droit pénal : le principe de l’interprétation stricte de la loi pénale. Ce principe s’oppose à une quelconque interprétation extensive des textes répressifs. Ainsi, les textes réprimant les intrusions dans un système automatisé de traitement des données (articles 323-1 à 323-7 du Code pénal)ne peuvent être entendus aussi largement.
Par ailleurs, la notion même de vol suppose la subtilisation d’une chose appartenant à autrui (article 311-1 du Code pénal : « soustraction frauduleuse de la chose d’autrui »). Reste à savoir si les juges du fond accorderait la qualité de chose à des biens virtuels, même pourvus d’une valeur pécunière certaine. Or, une fois cette barrière franchie – la qualité de chose reconnue à un bien virtuel – l’aspect frauduleux de la subtilisation serait susceptible d’être caractérisé puisqu’elle nécessite le piratage du système.
Cependant, la chose doit appartenir à quelqu’un au moment de la subtilisation frauduleuse. C’est sur le critère de propriété que le bât blesse. En effet, le joueur payant un abonnement mensuel pour pouvoir jouer, celui-ci perd forcément ses biens virtuels lorsqu’il arrête son abonnement. Il semble donc qu’il ne détienne pas la propriété pleine et entière mais simplement un droit d’usufruit (utiliser l’objet virtuel, revendre ses droits d’accès’), voire de simple usage (cas où l’on ne peut se dessaisir d’un bien virtuel ). Les lignes de code qui constituent ce bien virtuel appartiennent donc clairement à l’éditeur du jeu.
Affaire(s) à suivre…